La loi de modernisation de l’économie (LME), mythes et réalités

Avec 41 jours, la France se situe dans la moyenne européenne des délais de paiement interentreprises. Mais ceux-ci représentent encore un encours de crédit supérieur au montant des financements bancaires à court terme !

Même s’il est intervenu dans une période pas forcément très favorable, le volet de la LME d’août 2008 sur la réduction « forcée » de ces délais de paiement a permis ou accéléré la tendance à leur baisse structurelle. Mais nous verrons qu’il reste encore aujourd’hui pas mal d’ombres au tableau …

L’objectif de la LME était avant tout de stimuler la croissance.

Intervenue après une précédente loi NRE (Nouvelle Régulation Economique) en 2001, restée inefficace, la loi de modernisation de l’économie(L.M.E) du 4 août 2008 avait pour objectif de « lever les contraintes qui empêchent certains secteurs de se développer, de créer des emplois et de faire baisser les prix ». Elle avait également comme objectif de rééquilibrer les relations entre fournisseurs et distributeurs. Son article 6 a modifié notamment les règles des délais de paiement entre clients et fournisseurs, les fixant à 60 jours de la date d’émission de la facture ou à 45 jours fin de mois. Cette loi devait être appliquée dans tous ses aspects : non seulement raccourcissement des délais de paiement mais également pénalités à payer par le débiteur non respectueux de la loi, sanctions pénales et civiles, publication d’informations sur ce sujet dans les comptes annuels etc.

Cette loi a indéniablement accéléré la baisse structurelle des délais de paiement…

Les délais clients des entreprises françaises ont constamment diminué, passant de 53 jours en 2000 à 43 jours en 2013. Les délais fournisseurs ont connu une évolution encore plus marquée, passant de 62 à 49 jours. La moitié de ces gains se concentre sur la période 2007-2010, au cours de laquelle les entreprises ont anticipé puis appliqué très largement le plafonnement de 60 jours fixé par la LME. La France se situe ainsi à un niveau médian en Europe, entre celui des pays anglo-saxons ou scandinaves, dotés de cycles de règlements courts (entre 30 et 40 jours) et ceux de l’Europe du Sud (85 jours en Espagne ou Portugal, 96 jours en Italie).

…mais des obstacles persistent encore et les PME sont fragilisées.

Le rapport de l’Observatoire des délais de paiement pour 2013 confirme que la dynamique de baisse des délais a tendance à s’essouffler. Diverses fédérations professionnelles dressent ainsi un bilan mitigé notant au mieux une stabilisation de la situation, au pire une certaine dégradation avec notamment une hausse des retards de paiement de petits montants. Un tiers des entreprises sont encore victimes ou à l’origine d’un retard de paiement excessif. Malgré la mise en place de la LME, un tiers des entreprises règlent encore leurs factures (ou sont réglées) à plus de 60 jours ! Les plus touchées sont les PME, particulièrement dépendantes de leur trésorerie. Ce rapport précise que si les délais étaient respectés, le supplément de trésorerie atteindrait 15 mds d’€ pour les PME et 6 mds pour les ETI ! En 2013, 63 000 entreprises ont déposé le bilan, dont 25% pour cause de retard de paiement.

En ce qui concerne plus spécifiquement le secteur public, l’Observatoire met en exergue que l’Etat a poursuivi la réduction de son délai de paiement et enregistre sa meilleure performance depuis 2008. En revanche, pour les collectivités locales ?, la situation s’est dégradée.

Si cette loi LME présente incontestablement des effets bénéfiques, il faut rester vigilant dans son application car les délais de paiement sont une variable sensible, que ne se privent pas d’utiliser les entreprises pour pallier les insuffisances de financement bancaires.