La réforme du droit des entreprises en difficulté : un nouveau souffle ?

La loi d’habilitation du 2 janvier 2014 l’avait prévu : le droit des entreprises en difficulté devait être réformé en 2014 pour le simplifier et le rendre plus efficace. Cette réforme est réalisée par l’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 qui traduit la volonté du gouvernement de donner un nouveau souffle au droit des entreprises en difficulté. Le résultat est-il à la hauteur des objectifs ? Ce  n’est pas certain.En effet, avec la multiplication de variantes de procédures existantes, telle la nouvelle procédure de sauvegarde accélérée instituée à côté de la sauvegarde financière accélérée, ou encore la nouvelle procédure de rétablissement professionnel qui s’ajoute à la liquidation judiciaire de droit commun et à la liquidation judiciaire simplifiée, il n’est pas sûr que les chefs d’entreprises y voient une simplification mais au contraire davantage de complications.

Certes, au titre des points positifs de la réforme, il faut remarquer que l’effort a une nouvelle fois porté sur la prévention avec plusieurs innovations concernant le mandat ad hoc et surtout la conciliation, notamment avec la possibilité d’organiser la cession partielle ou totale de l’entreprise en conciliation.

On remarquera aussi que l’ordonnance a été adoptée le même jour que la Recommandation de la Commission européenne relative à une nouvelle approche en matière de défaillance et d’insolvabilité des entreprises qui préconise l’adoption par les Etats membres de procédures favorisant la négociation de plans de restructuration. La réforme française s’inscrit ainsi parfaitement dans le sens de l’histoire européenne du droit de la défaillance d’entreprises.

En outre, se pose la question du sort des créanciers. Qu’est-ce qui change pour les partenaires de l’entreprise en difficulté ? A cet égard, on constate que la réforme procède à un rééquilibrage au profit des créanciers. Par exemple en leur permettant de demander le remplacement de l’administrateur judiciaire ou du mandataire judiciaire désigné par le tribunal ou en favorisant la présentation de projets de plans de sauvegarde concurrents du projet du débiteur.

La réforme s’appesantit aussi sur la déclaration et la vérification des créances. Notamment, elle institue la présomption que le débiteur procède à la déclaration en lieu et place de ses créanciers en informant le mandataire judiciaire de l’existence des créances. C’est une vraie révolution ! Elle n’éteint pas pour autant toute discussion car que se passera-t-il lorsque le débiteur et son créancier seront en désaccord sur l’évaluation du montant de la créance déclarée par le débiteur ?

Il faut relever encore que l’ordonnance ne laisse pas à l’écart le droit social et cherche au contraire à l’acclimater davantage au droit des procédures collectives.

Enfin, l’ordonnance du 12 mars 2014 a abandonné le dispositif, envisagé par le projet d’ordonnance, prévoyant la possibilité d’évincer de la société en redressement judiciaire l’associé majoritaire. Ce dispositif est remplacé par l’obligation plus modeste de reconstituer les capitaux propres. Mais le gouvernement a déjà indiqué qu’il reviendra sur cette question de l’expropriation de l’associé majoritaire dans le cadre d’une nouvelle ordonnance annoncée pour le mois de juillet 2014.

Michel Menjucq, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l’Ecole de droit de la Sorbonne (Université Paris I-Panthéon-Sorbonne)

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