AU Group et EY se sont rapprochés pour réaliser, en commun, une étude sur les défaillances d’entreprises. Cette analyse est basée sur les données produites par Allianz Trade. Elle dévoile le profil des entreprises en difficulté, les secteurs et les régions les plus concernés et elle présente des témoignages exclusifs d’experts économiques, financiers et de secteurs d’activité, pour apporter un éclairage sur les dynamiques en cours et les risques à venir.
Editorial (février 2024)
Par Vivien de Lassée – Directeur Général, AU Group
Et Guillaume Cornu – Partner, Turnaround Restructuring Services Leader and Strategy &Transactions Market Leader France – Ernst & Young
Marquée par une augmentation de plus de 35 % des défaillances par rapport à l’exercice précédent, 2023 pourrait facilement être considérée comme une « année noire ». En réalité, elle a été celle de la « normalisation », avec un retour à un niveau légèrement supérieur à la situation pré-covid, soit 56 700 procédures collectives enregistrées.
Les TPE, qui représentent plus de 90 % des défaillances en nombre, se sont montrées particulièrement vulnérables. Confrontées à des pressions financières accrues, et contraintes de trouver des relais aux PGE, elles doivent faire face à des difficultés d’accès au crédit.
La part des PME-ETI dans les dépôts de bilan en 2023 a également augmenté significativement par rapport aux exercices précédents. D’un point de vue sectoriel, c’est la construction (et notamment la promotion immobilière), la distribution et les services qui sont les secteurs ayant enregistré le plus d’insolvabilités en 2023.
En 2024, la tendance des défaillances d’entreprises restera élevée en France avec un niveau attendu légèrement supérieur à celui de 2023, à 60 500 défaillances. La conjonction de plusieurs facteurs continue en effet de peser sur l’avenir : malgré une certaine détente en 2023, de nouvelles hausses du prix des matières premières sont à prévoir en 2024, notamment celles du plastique, des produits chimiques et des métaux. L’inflation salariale a également été importante cette année avec une augmentation moyenne de 4,5 % selon l’INSEE. Elle pourrait se poursuivre, en particulier dans les métiers en tension.
Téléchargez l’étude complète
« Les dirigeants doivent anticiper leurs besoins de financement et engager leurs discussions avec leurs partenaires financiers le plus tôt possible, sur la base d’un business plan robuste, intégrant notamment les leviers opérationnels qui permettent d’optimiser leur rentabilité et trésorerie. »
– Vivien de Lassée, Directeur Général, AU Group
Pour étudier le profil des entreprises en difficulté en 2023, les régions et secteurs les plus impactés par les défaillances et décrypter les tendances 2024, EY et AU Group unissent leurs forces pour réaliser cette étude autour d’un panel d’experts :
- Ana Boata, Head of Economic Research, Allianz Trade
- Jacques Ehrmann, Directeur Général du Groupe Altarea
- Audrey Louail, Dirigeante d’Ecritel, Présidente de Croissance Plus
- Florence Lafargue-Pautrat, Partner EY
- François Delteil, Directeur des Risques Politiques, AU Group
Remerciements
Nous remercions toutes les personnes qui, par leur expertise, ont contribué à la réalisation de cette étude, en particulier Guillaume Cornu, Julien Brindeau, Mihaela Kirova, Fabien Piliu, Sandrine da Cunha, Estelle Dupont Aldiolan et Olivier de La Pontais.
Méthodologie
Sources : les données relatives aux défaillances ont été fournies par Allianz Trade. Seules les entreprises qui ont fait l’objet d’un premier jugement entre le 01/01/2023 et le 31/12/2023 sont retenues. Si une entreprise a fait l’objet de plusieurs procédures collectives au cours de l’année 2023, seule la dernière procédure connue est prise en compte dans les statistiques présentées. Définition : chaque entreprise correspond à un SIREN et donc à une entité juridique.
« Des décisions politiques peuvent aussi être directement à l’origine de défaillances d’entreprises, notamment dans des pays soumis au « Fait du Prince ».
– François Delteil, Directeur Grand Comptes, AU Group, Expert en risques politiques
Risques politiques et faillites
Beaucoup de crises économiques sont nées d’événements politiques majeurs : le ralentissement économique actuel est ainsi directement lié au déclenchement de la guerre en Ukraine, tout comme le plus ancien choc pétrolier de 1973 était consécutif à la guerre du Kippour.
Les défaillances d’entreprises consécutives à ces événements le sont de façon indirecte,
car liées à l’inflation de l’énergie et des matières premières, entraînant hausses des taux d’intérêt et baisses de croissance. Elles sont aussi la conséquence de décisions politiques des États : ce sont les sanctions occidentales à l’encontre de la Russie qui raréfient l’offre disponible de matières premières et créent de l’inflation, de la même façon qu’en 1973 les États du Golfe ont provoqué une hausse des cours du pétrole à l’issue de la défaite de la coalition arabe contre Israël.
Des décisions politiques peuvent aussi être directement à l’origine de défaillances d’entreprises, notamment dans des pays soumis au « Fait du Prince ». La société française Necotrans, dont le chiffre d’affaires dépassait le milliard d’euros, ne s’est jamais remise financièrement de la rupture unilatérale de la concession du port de Conakry par le président Alpha Condé, nouvellement arrivé au pouvoir.
Les filiales de sociétés françaises en Afrique francophone ont longtemps été considérées comme des entreprises solides, bénéficiant d’une activité régulière et d’une bonne intégration aux économies locales. La vague des putschs militaires au Mali, au Burkina Faso, en Centre-Afrique et au Niger ont beaucoup fragilisé leur activité, du fait de la dégradation économique de ces pays, de l’insécurité et des relations diplomatiques tendues avec la France. Certains groupes ont d’ailleurs préféré vendre leurs entités locales.
Pour 2024, des scrutins électoraux auront lieu dans 70 pays, dont les États-Unis, la Russie, Taïwan, l’Iran, le Royaume-Uni et l’Inde. Ils seront dominés par des vents nationalistes et protectionnistes, et concernent directement trois foyers de conflits réels ou potentiels : l’Ukraine, Taïwan et le Proche-Orient. S’il est difficile de quantifier la nature et l’ampleur des risques économiques que portent en germe ces scrutins, on sait néanmoins que de nouveaux chocs sont possibles pour les entreprises, tant au niveau de leurs approvisionnements que de leurs débouchés.